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Barcelonnette - Pra Loup - Valberg - Nice

Date

July 2007

Présents

9

Durée

9 jours

Vitesse max.

69 km/h (sacré Dusan)

Altitude max.

2479m

Dénivelé max.

2479m

Étapes

Par Mathieu, le Bitumeux

LUNDI 23 JUILLET
Après m'être démené corps et âme pour obtenir des cheminaux espagnols l'autorisation d'emporter mon vélo de course dans le train, j'essuie un refus catégorique. Je choisis donc la solution alternative de l'autocar, sans bicyclette, l'option du vol en avion étant hors de prix. Je chercherai un VTT sur place, la région des Alpes disposant de nombreuses boutiques de location de matériel sportif. Les petites péripéties rencontrées dans l'élaboration de mon voyage ont eu pour conséquence que je n'arriverai que le mardi, soit avec trois jours de retard sur le programme initialement établi. A l'origine, je devais en principe quitter Valence en Espagne en direction de Valence en France, ça ne s'invente pas! Mon nouvel itinéraire aura Nice pour terminus, d'où je prendrai une navette en direction de la montagne.

Je me lève de bonne heure le lundi matin. Après avoir bouclé ma valise, je prends congé de ma colocataire, qui s'apprête à déménager, et je me rends à la gare des bus. Le départ est prévu sur le coup de dix heures. Au menu, un authentique tour de la Méditerranée, avec des arrêts à Salou, Tarragone, Barcelone, Lloret del Mar, Perpignan, Montpellier et Marseille. Soit quelques dix-huit tours d'horloge entrecoupés de plusieurs pauses, avant d'arriver à destination. J'espère pouvoir distinguer de part et autre de l'autoroute les paysages des endroits traversés, afin de tuer l'ennui.

Le voyage s'avèrera en définitive moins monotone que ce que je redoutais, mais impossible de fermer l'oeil, le confort relatif du car m'empêche de trouver le sommeil.

MARDI 24 JUILLET
Nous arrivons à Nice à quatre heures du matin. Il me faudra attendre trois heures la correspondance vers Valberg. Je suis un peu perplexe à l'idée de devoir patienter seul dans la gare, plutôt excentrée, les quartiers des villes françaises ne jouissant pas d'une glorieuse réputation. C'est alors que je fais la connaissance d'une jeune québéquoise, confrontée au même problème que moi. Je savais déjà qu'elle partageait la même langue que moi, sans mauvais jeu de mots, car elle m'avait demandé de lui traduire en français les propos tenus par le chauffeur espagnol. J'avoue cependant que son accent canadien m'avait totalement échappé, mon attention étant distraite par d'autres aspects de sa personne :-)

Nous décidons d'aller visiter le coeur historique de la cité azuréenne, située sur une petite colline surplombant la mer. Nous nous promenons dans de petites ruelles typiques, éclairées par des lueurs provenant de maisons d'architecture ancienne. Cette ballade se terminera à l'aube, par un déjeuner (...petit déjeuner, mea culpa) sur la Promenade des Anglais, avec le lever du soleil en toile de fond. Difficile de monter un scénario plus romantique que ça, vous en conviendrez! En regardant les yeux bleus de mon interlocutrice, je ne peux m'empêcher de penser que la Côte d'Azur a rarement aussi bien porté son nom. Je me garderai cependant de lui faire la réflexion, qui aurait sans doute paru un peu "bateau", c'est le cas de le dire! Après m'être séparé de ma compagne de voyage, dont j'ai pris soin de noter les coordonnées, je monte à bord de mon second autobus. Malgré la nuit blanche que j'ai passée, je ne sens pas la fatigue, revigoré par la rencontre aussi agréable qu'éphémère que je viens de faire. L'autobus se dégage petit à petit des denses agglomérations de la côte, pour se diriger vers de petites routes départementales de montagne. On a tiré le gros lot, ayant hérité pour chauffeur (que dis-je...pilote!) d'un véritable Fangio du volant. Notre homme n'hésite pas à pousser jusqu'à des pointes de 80 km/h dans des virages serrés, malgré le profond précipice qui jouxte la chaussée. J'ai rarement craint pour ma vie comme ce jour-là! Je sortirai finalement sain et sauf de cette aventure, je m'en tire avec une sacrée migraine, mon état de fatigue n'ayant pas arrangé les choses. Pendant le trajet, un coup de téléphone sympa de Patrick, que je ne verrai pas. Pour lui les vacs, c'est déjà fini.

Mes premières heures à Valberg semblent se passer comme sur des roulettes, je ne pourrais pas trouver de terme plus approprié. J'emprunte un VTT à ma taille, rapidement trouvé, pour une modique somme, et je passe par le supermarché du coin pour emporter quelques victuailles à mes camarades. Je reçois alors un coup de fil providentiel de Lucas qui m'apprend que la bande ne s'est pas encore mise en route. Nous convenons alors que je les rejoindrai en effectuant le même trajet qu'eux en sens inverse. Au menu du jour figure le Col de la Cayolle, préféré pour des raisons d'itinéraire au col de la Bonette tout proche. Ce dernier n'est pas le col routier le plus haut d'Europe, contrairement à ce qu'affirment de façon un peu présomptueuse des panneaux du coin. Ce titre revient au col de l'Iseran. Quant à la route goudronnée la plus haute d'Europe, elle se trouve en Espagne (Sierra Nevada). Ce point méritait d'être éclairci.

Je passerai par le camping, à Saint-Martin d'Entraunes, pour y déposer mon sac à dos. Je me mets en route avec armes et bagages et je plonge vers le campement par une descente d'une douzaine de kilomètres. Une fois arrivé dans la plaine, la route s'élève légèrement, sous forme de faux plat, durant la huitaine de bornes qui me sépare de mon arrêt intermédiaire. Je parviens sur place, mais juste avant il m'a fallu franchir un obstacle inattendu, un virage au pourcentage stupéfiant qui semble avoir été transplanté tel quel de l'Alpe d'Huez.

Dusan et Benoît m'attendent près des tentes. Ils ont passé le col en voiture, et s'apprêtent à le remonter par l'autre versant en ma compagnie. Nous ne tardons pas à redémarrer et, peu de temps après, se dresse furieusement devant nous le hors d'oeuvre du jour, le Col de la Cayolle (2326 mètres d'altitude). Nous grimperons par le versant sud, long de 32.1 kilomètres à 4.7% de moyenne. Les 15 dernières bornes constituent le tronçon le plus exigeant, avec une inclinaison moyenne de 7.2%. La caractéristique de l'ascension transparaît assez clairement au travers de ces chiffres, à savoir sa longueur impressionnante. Même si je n'ai pas dormi depuis près de quarante-huit heures, je ressens paradoxalement cet état de somnolence euphorisante qui s'empare de vous en cas d'état de fatigue avancée. Nous pédalons groupés durant les premiers lacets, à un rythme raisonnable, et échangeons les dernières nouvelles. Je n'avais pas vu Benoît depuis deux ans. Le paysage est magnifique...

Soudain je retombe dans mes vieux travers: je suis sujet à une vision. On peut apercevoir, au loin, un groupe de cyclistes, qui s'adonne à la même tâche que nous. Comme j'en ai l'habitude dans ces cas-là, je n'ai plus qu'une idée en tête, comme une véritable obsession qui me démange, rattraper et dépasser effrontément ceux que je considère à tort comme des oiseaux pour le chat. Je produis une accélération foudroyante, et je me lance dans mon défi insensé. Une initiative défendable si je roulais seul sur des parcours de difficulté moyenne, mais qui ce jour-là s'avèrera fatale. Je pédale sans relâche, sans gérer mes forces, et m'approche à quelques décamètres du petit peloton. Je ne parviendrai pourtant jamais à faire la jonction. Et brusquement, alors que je me trouve désormais dans le secteur le plus dur de la montée, c'est le coup de barre, une terrible fringale! Il est préférable que je m'abstienne de regarder les bornes kilométriques, qui auraient définitivement raison de mon courage eu égard à la distance qu'il reste à accomplir.

Je suis rejoint par mes deux copains qui me ravitaillent abondamment en eau. Ils sont bien plus solidaires que moi qui les ai abandonnés lâchement. Dusan part en tête. Il tire avec une facilité déconcertante ses 85 kilos de muscles, à l'aide d'un développement assez grand. Benoît, quant à lui, tente de m'aider mais c'est peine perdue. Je lui lâche un "Vas-y seul, pour moi c'est foutu!". La suite me semblera interminable et pour couronner le tout, je dois me débattre face aux abeilles qui me suivent obstinément, sans doute attirées par l'arôme sucré de ma crème solaire. J'arrive finalement au sommet, une dizaine de minutes après Dusan, qui a passé le col en tête. Je suis accueilli par les clichés de l'appareil de Lucas. Il se trouve là en compagnie de tous les autres, sauf Liyun, qui est parti se promener. Ils ont grimpés par le versant nord, légèrement plus court et plus roulant.

Après la traditionnelle photo devant le panneau du col, nous entamons la descente dans le froid. Une descente qui ne présente aucun danger majeur et qui nous mènera au camping. Nous installons les tentes et saluons l'arrivée du dernier larron du groupe, Peter, un British qui a dû s'y reprendre à trois fois avant de monter dans l'avion sans rater son vol. Et soudain réapparaît Liyun, qui s'en prend à Ben. A l'origine du problème, un message rédigé par écrit mais qui fait grand bruit, c'est un paradoxe ! Un différend qui, je n'en doute pas, finira par se résoudre entre les deux hommes. Pour ma part en tout cas, ce fut un plaisir de côtoyer l'un et l'autre durant cette semaine de vacances. Avouez que ça s'appelle être parfaitement neutre :

Le soir, nous soupons (euh...dînons) dans le restaurant du camping, l'occasion d'ébaucher une discussion philosophique avec la propriétaire des lieux au sujet de ses voyages au Tibet. Après le dessert vient enfin le temps de retrouver mon lit, enfin si l'on peut dire, je me couche sous la tente à même le sol pour récupérer de la fatigue accumulée.

MERCREDI 25 JUILLET
Inutile de vous préciser que j'ai fermé l'oeil sans trop de peine la nuit précédente, et elle fut réparatrice malgré le manque de confort, car j'ai le sommeil profond. J'ai bien quelques courbatures, mais cela ne freine pas mon enthousiasme pour attaquer la nouvelle journée de vélo. Après avoir pris le petit déjeuner et examiné la cartographie de la région, on prévoit une escapade sur les hauteurs de Valberg, passage obligé pour la location du VTT de Peter. Le village se situe à une vingtaine de bornes. Mon infaillible esprit logique me mène à la conclusion que si j'ai descendu douze kilomètres la veille, il faudra les remonter aujourd'hui. J'oublie "accidentellement" d'en avertir mes comparses, à qui ce détail semble avoir échappé. A vrai dire, je sais que cela n'ébranlerait nullement leur mentalité de guerrier. C'est le Col de Valberg (1672m), long de 13.2 kilomètres, inclinaison moyenne 6.7%.

Ben décide de faire l'impasse sur le programme du jour pour protéger sa peau, littéralement carbonisée par le soleil. Il nous précèdera en voiture, pour éviter de ronger son frein et pour parer à nos besoins éventuels en ravitaillement. Au siège du passager est assis Peter, qui empruntera un vélo au sommet. A peine s'est-on mis en route que le pot d'échappement gronde sa mauvaise humeur. Il s'est détaché! Nos deux professionnels en mécanique, Dusan et Benoît, examinent le problème. On craint un instant le pire, mais plus de peur que de mal finalement. Le véhicule repartira sans trop de casse, juste privé de son pot catalytique. C'est le monde à l'envers, la voiture qui nous lâche, alors que les vélos sont épargnés par les crevaisons. On en viendrait presque à regretter l'époque des plans vélo sans GSM et sans voiture!

On repart et on entame la montée du col dans la bonne humeur. Comme la veille, c'est Dusan qui décide d'imprimer le rythme. Je tente de m'accrocher à sa roue, mais depuis hier j'ai retrouvé mes esprits, et la raison l'emporte. Je poursuivrai seul, ça va trop vite pour moi. J'espère même du renfort de l'arrière, Benoît pour ne pas le citer, mais je ne vois rien venir. En jetant un coup d'oeil dans le rétroviseur, c'est le désert absolu. Pas une âme qui vive! Je suis donc condamné à continuer en solitaire. Une sensation pas si désagréable que ça finalement. C'est comme si j'étais seul au monde, en communion avec la nature, qui se montre sous son meilleur jour. L'espace d'un instant, je peux distinguer au loin la silhouette de Dusan, zigzaguant sur les lacets de la montagne. En revanche, toujours pas de trace des trois autres. A moins que... Si, ça y est, ce sont eux! Ils sont là, tout en bas, minuscules, comme des jouets miniatures! Ils ont manifestement décidé de grimper ensemble au petit trot.

La pente était raide dans les premiers kilomètres mais s'adoucit progressivement. Ça booste le moral, d'autant qu'un petit hameau surgit du décor. Je n'y suis pas encore, mais j'ai l'impression que dans mon oreille raisonne déjà le bruit d'un torrent d'eau coulant à flot. Le songe deviendra bientôt réalité. J'arrive dans le petit village et je frappe à la porte d'une vieille demeure. La porte s'ouvre, et apparaît une dame âgée. La finesse des rides de son visage semble indiquer qu'elle réside depuis des millénaires ici. Elle me donne le...tuyau, au sens figuré, pour aller m'arroser à la fontaine. Je m'asperge de litres d'eau, d'une fraîcheur salvatrice. Il me faut me remettre en selle, et j'accomplis les quelques bornes, à la pente à nouveau plus raide, qui me séparent du sommet. Nous nous retrouvons tous au village, après que chacun ait terminé l'ascension à son rythme, et nous dégustons un sandwich, un bon vieux "jambon-beurre" de la France d'antan.

Après le repas, j'échange mon vélo avec celui qu'a loué Peter, pour répondre à ses besoins d'un cadre de grande taille. Nous partons, pour la première fois depuis mon arrivée, sur des routes tout terrain, dans une relative improvisation. Nous essayons de suivre les circuits balisés, tout en s'accordant une certaine marge de liberté. Le revêtement des chemins traversés est assez varié, de terre, caillouteux ou boueux. Cette petite ballade sera agrémentée de quelques concours de sprints en côte entre nous, juste pour le plaisir. Après deux bonnes heures, il se fait tard et le temps est venu de redescendre au camping. C'est maintenant au tour de mes amis de découvrir le faux plat et le terrible virage qui précèdent le camping, ultimes efforts avant de goûter à un repos bien mérité. Sur la route, j'attends Liyun et nous effectuons une partie du chemin ensemble.

Nous pique-niquons à la belle étoile, avec pâtes et ravioli au menu, l'ABC du cycliste, avant de nous plonger dans les bras de Morphée.

JEUDI 26 JUILLET
Au réveil de ce nouveau jour, nous déjeunons comme d'habitude croissants et couques au chocolat (pains au chocolat pour les Frenchies). Nous irons une nouvelle fois rouler à Valberg, qui a visiblement plu et qui regorge de multiples sentiers encore inexplorés. Pour monter là-haut, nous emprunterons une variante de la veille, un chemin que nous renseigne la cartographie IGN. Mais avant ça, on effectue notre traditionnel arrêt à Guillaumes, village situé au pied de l'ascension, pour y acheter quelques fruits et boissons. On y fait la connaissance de "Marius", l'ex-boulanger de Nice, intarissable mémoire vivante des lieux et grand connaisseur de foot! Après quelques bavardages, nous nous séparons de lui pour nous remettre en route.

Malgré quelques tergiversations, nous repèrerons assez vite notre chemin, dissimulé sur la gauche de la route principale. Il s'agit en fait d'un étroit sentier de grosses pierres, à la pente vertigineuse. S'en suivent plusieurs heures d'effort, qui n'ont pas grand-chose à voir avec le cyclisme, si ce n'est peut-être avec le cyclo-cross, allusion faite au port du vélo. Certains passages sont périlleux, et Ben et Dusan, les plus vaillants du groupe, aident les sujets au vertige, dont je fais partie, en passant les vélos à la chaîne. Heureusement qu'au niveau du paysage, le jeu en vaut la chandelle!

Après de nombreux efforts, l'ombre d'une maison se dégage d'un bosquet. C'est Saint-Brès, le patelin de la veille, et sa fontaine magique! On est enfin tiré d'affaire! Et bien non, détrompez-vous, car Ben a crevé! Et ironie du sort, il a crevé dans un endroit où il n'aurait jamais dû se trouver! Il en faut plus pour perturber la sérénité des Hardcorps. En vététistes expérimentés, nous disposons tous du kit nécessaire pour parer à ce genre d'imprévu, et c'est Lucas qui se charge de venir à la rescousse du malchanceux du jour. Après ce petit contretemps, nous rejoignons le hameau par un passage dérobé, et se produisent les mêmes scènes d'hystérie que le jour précédent à la vue de l'eau bénite.

Sevré de vélo durant toute la matinée, j'ai des fourmis dans les jambes, et je me lance à corps perdu dans le dernier tronçon de la montée asphaltée du col de Valberg. Il reste quatre kilomètres, à 7.5% de moyenne. Dusan m'accompagne, ce qui s'inscrit dans la logique des jours précédents. Mais tout à coup, alors que je ne cesse de me mettre en danseuse puis de me rasseoir sur la machine, il lâche prise, Il est même sur le point de se faire rattraper par Benoît. "Je n'ai pas voulu forcer, je n'ai pas voulu dépasser les 10 km/h au compteur", dira-t-il. Des propos que chacun interprètera comme il veut, personnellement je les mets sur le compte de l'orgueil propre à tous les grands sportifs :-) En toute amitié bien sûr!

Je ne suis pas de très bonne foi non plus d'ailleurs, puisque, alors que Benoît me dépasse in extremis à 50 mètres du panneau du col, d'un superbe démarrage, je cherche à prendre une crevaison pour excuse. Si mon pneu est bel et bien crevé, Benoît est passé devant tout simplement parce qu'il a très bien géré son effort. J'ai longtemps cru que j'allais résister, profitant même de l'aspiration d'un tracteur pour placer une ultime accélération, mais en vain. Par la suite arriveront successivement Dusan, Lucas, Liyun, Peter et Ben, si je ne me trompe pas pour l'ordre.

Cette petite montée nous a dégourdi les jambes, mais nous a creusé l'appétit. Nous nous mettons à l'heure espagnole, dans un bar à tapas. Comme ça au moins, je ne serai pas dépaysé! J'avoue que le repas n'a en fait de tapas que le nom. Dusan et moi dévorons notre assiette, pendant que d'autres attendent leur plat avec impatience. Il ne viendra jamais. En fait, ce qu'on a mangé était une double portion. Qu'importe, on commande une nouvelle fournée.

C'est déjà la fin de l'après-midi et il faut passer chez le marchand de vélos pour régler quelques détails. Quand on raconte à ce dernier notre mésaventure du matin, il ne peut s'empêcher de rire sous cape. A sa connaissance, nous sommes les premiers audacieux qui effectuent cet itinéraire dans le sens de la montée. Il est destiné aux cascadeurs descendeurs.

Nous ne prolongeons pas la journée car nous avons rendez-vous au restaurant du camping le soir, et nous redescendons par un autre versant, dans un environnement magnifique. Dans la plaine, nous faisons une petite halte à Guillaumes. Après avoir pris quelques collations, tout le monde repart, excepté Benoît, qui a récupéré sa voiture, et Peter, qui ajuste la selle de son vélo. Je l'attends, et nous prenons 2-3 minutes de retard sur les autres. Je reste un peu à ses côtés, avant de me lancer dans une véritable course-poursuite. Un à un, je reviens successivement sur mes compagnons, respectivement Ben, Liyun et Lucas. J'y vais de mes petites phrases d'encouragements. La formule pour motiver Liyun et Lucas est très simple. Au premier cité, il faut dire: "Vas-y, fonce, tu reviens sur Lucas!" ; pour le second nommé, la phrase magique est: "Vas-y, fonce, Liyun est en train de te rattraper!" :-)))

Le soir, durant le repos, nous sympathisons avec les serveuses. Certains prolongeront la séance de drague près des douches après le dessert. Je dormais déjà, je ne sais pas ce qui s'est passé :

Si Dusan semble bien s'entendre avec la blonde, Liyun a apparemment craqué pour la brune. Pour ma part, je me serais contenté de n'importe laquelle, Mais de toute façon, je n'y étais pas, et les absents ont toujours tort !

VENDREDI 27 JUILLET
Date toujours particulière que le 27 juillet, puisque alors que mon père fête son entrée dans la soixantaine, ma soeur jumelle et mois fêtons nos vingt-huit ans et demi. Nous sommes nés à six mois d'intervalle, jour pour jour, enfin, façon de parler. Le réveil a été matinal, car aujourd'hui, il faut lever le camp. On descend sur la côte d'Azur aujourd'hui, plus précisément vers Vence, une bourgade située à une dizaine de kilomètres de Nice, à l'intérieur des terres, et connue pour être fréquentée par des célébrités. Soit une petite centaine de kilomètres avec un dénivelé total largement négatif, ce qui suppose un parcours majoritairement constitué de faux plats descendants. Je me rends une dernière fois à Valberg, accompagné et conduit par Benoît, pour y déposer les vélos loués par Peter et moi. Merci Dusan, qui a pensé à tout, y compris aux portes-vélos ! Nous poursuivrons en voiture, chargés des bagages, tout comme Dusan, l'autre chauffeur de la bande, mais pas Peter. Notre British vient en effet de se voir livrer son vélo couché, que la compagnie aérienne avait perdu.

Nous nous rassemblons tous dans le village de Guillaumes, d'où les quatre cyclistes démarrent avec un peu d'avance, puis c'est au tour des voitures. On dépasse nos compagnons un à un, avant de faire un nouvel arrêt une vingtaine de kilomètres plus loin, à Entrevaux, un village qui tire son nom de sa situation dans la vallée, au milieu des montagnes, encerclé par un fleuve. Nous sommes rejoints par les courageux du jour. Toute l'équipe est à nouveau réunie, sauf Liyun, qui nous fait défaut. Il s'est arrêté en chemin, pour faire des photos du cadre splendide de la région. Un prétexte pour s'asseoir à une terrasse de café, en attendant le chaînon manquant. Ce dernier est en vue, si bien que nos trois sportifs remontent sur la bicyclette. Mais ce sera sans Liyun, justement, qui décide de mettre pied à terre pour visiter les richesses du coin.

Alors, qu'allons-nous faire durant toutes ces heures alors que les autres s'arrachent sur l'asphalte? Faire du tourisme, nous prélasser? Et bien non, détrompez-vous! C'est sans compter sur notre âme de vaillants soldats, de warriors. Nous nous lançons à l'assaut de la citadelle d'Entrevaux, un site fortifié par Vauban à l'époque de Louis XIV. Le long de la rive flottent une série de drapeaux. Il pourrait s'agir de l'emblème des assaillants qui ont déjà conquis la forteresse. Impossible, car personne ne s'est jamais aventuré la, c'est gravé dans la pierre! Après avoir franchi les neuf rampes en zigzag, épargnés par les attaques adverses, nous arrivons à la citadelle. Sommes-nous réellement les premiers à accéder là-haut? Pas si sûr, car de jeunes troubadours en herbe ont peint des phrases sur les murs pour immortaliser leur amour pour leur promise. Certains sont datés d'il y a plus d'un quart de siècle. Que sont devenus les auteurs de ces messages? Où sont-ils aujourd'hui? Dieu seul le sait...

Il faut évidemment faire fructifier le trésor découvert. Ça tombe bien, parce que Liyun cherchait à acheter un appart par ici. Il a apparemment trouvé son bonheur, avec Dusan dans le rôle d'agent immobilier. Fier du bien conquis, nous nous lançons à la poursuite de nos amis. Les voitures en chasse-patate derrière les vélos, c'est le monde à l'envers! Nous revenons à leur hauteur dans le Col de Vence, unique difficulté de la journée. D'abord c'est Peter, désavantagé dès que la route s'élève, ensuite Ben, et enfin Lucas, qui même en plein effort trouve encore la force de bavarder et faire des blagues. Infatigable!

Après que tout le monde soit parvenu au camping, une petite douche, et puis en route vers Nice avec les voitures. Nous mangeons des pâtes dans une pizzeria, rien de tel après une journée d'effort. Ben démontre une nouvelle fois ses talents dans les relations publiques en venant au secours d'un jeune amant, qui doit faire face à un portefeuille vide au moment de payer le restaurant à sa belle. Ensuite, après une bataille d'eau mémorable entre Lucas et Benoît, nous déambulons dans les rues de Nice by night, et puis nous trouvons un bar dont l'atmosphère semble festive. Il n'en faut pas plus pour que Lucas entame son show. Il a démarré au quart de tour, comme d'habitude! Après quelques chansons, nous prenons l'air sur la plage et puis nous rentrons dormir.

SAMEDI 28 JUILLET
On a quitté les Alpes mais on a l'intention de passer la journée sur deux roues aujourd'hui. Du cyclotourisme, avec pour objectif Monaco et l'Italie, ce qui porterait à trois le nombre de pays foulés durant la semaine. Je vais louer un VTT avec Dusan, pendant que Peter, qui prend aujourd'hui l'avion pour Londres, tente de rassembler ses affaires dans la plus grande confusion ! C'est le flou artistique :-)

Quand tout le monde est enfin prêt, nous prenons la direction de Nice pour y enregistrer les bagages de Peter. Notre britannique fait preuve d'un flegme impressionnant face au péripéties qui se présentent pour le transport de son vélo. Alors que tout est rentré dans l'ordre, une enseigne attire mon attention, et celle de Lucas, belge d'adoption. C'est Quick, pas le pote de Flupke, mais la chaîne de restauration rapide. La nourriture des fast food favorise les performances sportives, ça a été testé scientifiquement sur les Hardcorps! Ça tombe bien, on va pouvoir le vérifier, puisqu'on se met en route non sans avoir fait nos adieux à Benoît, qui rentre à Annecy en voiture. On roulera des kilomètres durant sur la route qui longe la Méditerranée, parsemée de faux plats. Mous abandonnons le projet d'aller jusqu'en Italie, le frontière est trop éloignée. Nous faisons finalement escale à Villefranche-sur-Mer, dans une mini-crique, sur une plage réservée à l'ancien club d'apnée de Lucas. Le paysage est très beau et à droite, sur une petite colline, se trouve une villa qu'avait fait construire Léopold II pour y enfermer sa femme. Une prison dorée! Après s'être baigné et avoir conversé avec quelques membres qu'a reconnu Lucas, nous repartons. Quelqu'un fait défaut, c'est Dusan, victime d'un bris de chaîne, au plus mauvais moment! C'est Lucas, spécialiste pour résoudre les ennuis mécaniques (on se demande pourquoi!), qui va le secourir.

On peut remercier les cieux que ça ne soit pas arrivé à Peter, qui dispose d'un temps minuté pour rejoindre l'aéroport avec son vélo. Ben et moi l'accompagnons, enfin pas pour longtemps, car après quelques centaines de mètres, c'est à mon tour de connaître un pépin. Je me range sur le côté de la route, sans que Ben et Peter ne s'en rende compte. Ils s'inquièteront pour moi sans raison, se demandant si je ne me suis pas fait encastrer par un camion. Au moment où j'ai solutionné le problème, j'aperçois une silhouette connue, c'est Liyun, avec qui je poursuivrai le chemin. Nous nous perdons un peu dans les rues de Nice et nous débouchons sur la Promenade des Anglais. Je chute, sur lui, distrait par une passante! Nous serons les derniers à arriver à l'aéroport, juste à temps pour saluer Peter.

Il est temps de rentrer et pour satisfaire notre soif de découverte, on lance l'idée d'emprunter une route de campagne, afin d'éviter la nationale et d'agrémenter le parcours de jolis points de vue. Le problème, c'est que la nuit tombe et qu'on n'y voit rien, il n'y a pas d'éclairage. On n'est pas sur les autoroutes belges ici! Face à cette situation dangereuse, certains ont du mal à garder leur calme. D'autres, en revanche, attrapent un fou rire nerveux. C'est mon cas, et je rigole d'autant plus que j'entends le rire de Liyun. Le groupe s'extrait finalement de cette impasse grâce à une bonne organisation et aux relais puissants de Liyun et de Ben. Cette anecdote figurera sûrement au rang des bons souvenirs dans quelques années

Lucas, Ben et moi dînons dans une pizzeria. Dusan et Liyun décident de continuer et s'arrêteront un peu plus loin. Nous nous vautrons dans les tentes et nous endormons rapidement.

DIMANCHE 29 JUILLET
Après un dernier saut dans la piscine du camping, il est temps de plier bagage. Je prends autour d'un verre de pastis avec mes camarades, de quoi relancer l'éternel débat au sujet de la différence entre le Pastis et le Ricard. Liyun est absent, il est parti se promener dans les environs, où se trouve le célèbre village de Saint-Paul-de-Vence. Je lève les voiles un peu avant mes collègues, car j'ai un rendez-vous à Nice avec ma canadienne de l'autre jour. Je décide d'emprunter un raccourci pour rallier l'arrêt de bus dans les temps mais sur ma route un chien dangereux fait barrage et je perdrai de précieuses secondes. Après avoir déjoué le piège, je continue mon chemin jusqu'à Vence, où mon bus me filera littéralement sous le nez pour une poignée de secondes. Aucune importance, je prendrai le suivant. Entretemps, j'ai reçu un message de la québéquoise. Elle ne pourra pas venir, car la laveuse de son hôtel a brisé pendant qu'elle faisait sa brassée. C'est incroyable, on est censé parler la même langue et sur une phrase d'une demi-ligne, il y a trois mots que je ne comprends pas! Francophonie, quand tu nous tiens!

A Nice, je profite de ce petit moment de solitude pour m'asseoir sur la Promenade des Anglais, face à la mer. Le soleil brille de mille feux, comme ce fut le cas toute la semaine. Le temps est si doux que je m'assoupis quelques dizaines de minutes, jusqu'à ce que me réveille une sonnerie de téléphone. C'est Lucas, qui se trouve à quelques pas de là. Il est descendu du camping à vélo, chargé de son sac à dos, alors que les autres sont déjà sur la route du retour. Nous faisons un dernier petit tour sur les hauteurs de Nice, et puis il est déjà temps de se séparer. Direction Bruxelles pour lui, et Valence pour moi, de l'autre côté de la mer.

Attention, il va t'envoyer un SMS!